21 mars 2010

TEMOIGNAGES : La parole aux éducs ! (5)

Les éducs qui travaillent en prison... Et oui, il y en a quelques uns en Belgique !


" J'avais une idée préconçue de l'univers carcéral, oscillant entre films de série B et témoignages d'ex-détenus lors de débats médiatiques. J'étais loin d'imaginer ce que j'allais vivre en ce début de mois de septembre 1999.

J'appréhendais le contact avec "les matons" qui comme de bien entendu ne pourraient jamais comprendre des motivations sociales. Je dois reconnaître que la réalité est toute autre.

Les surveillants font un métier difficile dans des conditions difficiles. La société ne peut se passer de leurs services, mais ne marque aucune considération pour des hommes qui vivent au quotidien toutes les misères de nos sociétés industrialisées post-modernes. Ce n'est pas une pièce de métal en usine qu'ils travaillent, c'est de la gestion du lieu de vie des détenus dont il est question.

Du côté des détenus, on est loin de l'image d'Epinal. On retrouverait deux types d'individus en prison: la brute épaisse dans sa cage et la victime d'une erreur judiciaire. Dieu, merci, notre réalité est formidablement plus complexe que nos rassurants préjugés. Il nous permettent de ne pas affronter l'ambiguïté de ce monde.

On est emporté par un tourbillon de nationalités, d'âges, de confessions et de classes sociales différentes. Un mélange des styles qui ne jurerait pas avec la tour de Babel, où chaque détenu se retrouve pourtant confronté à lui-même, ce qui n'est pas toujours agréable et facile à vivre.

Ce qui surprend, c'est le contraste entre la pauvreté du lieu et son extraordinaire richesse humaine. C'est un lieu de vie, un rythme et une organisation précise. Ses impératifs sécuritaires et domestiques. Ses échéances entre commissions et libérations. Ses échéances entre commissions et libérations. Ses moments de joie et de peines entre visites et condamnations. La prison nous renvoie vers nous-mêmes et le questionnement existentiel.

Si tout le monde s'accorde sur la nécessité d'un système carcéral, le défi de ses éducateurs est de lui donner un sens. Loin de tout jugement et dans le respect des valeurs de l'autre. Pouvoir accompagner l'individu pris dans la tourmente à la rencontre de notre dignité d'être humain respectifs. Jongler entre les contraintes sécuritaires et la détresse des individus.

Confronté à une structure forte, un des enjeux de l'éducateur est de pouvoir institutionnaliser son action au sein de l'établissement pénitentiaire. Pouvoir exploiter au maximum l'espace et le temps restant, sachant que les éducateurs n'existaient pas encore dans la prison lors de sa conception structurelle.

Sur un plan plus philosophique, il n'est pas nécessaire d'être enfermé pour être en prison. Nous connaissons tous des personnes prisonnières de leur vie, ayant perdu tout pouvoir de décision. Aussi, il arrive qu'on puisse, en prison, rencontrer des hommes libres."

Kassim Benmouna, éducateur à la prison de Lantin, janvier 2000

                                  _______________________________________

Educatrice en prison 

Depuis juillet 1999, les éducateurs ont investi le milieu carcéral. Pas tout le milieu carcéral; certaines prisons seulement: Lantin, l'établissement de défense sociale de Paifve, Mons, Andenne et Namur.

Notre travail est très diversifié et correspond à la demande de chaque établissement.

Tout était à faire et reste à faire: cela nous laisse certainement une large marge de manœuvre, mais cela nous impose aussi de faire preuve de créativité dans une institution très "lourde", très hiérarchisée.

Le milieu est fermé au propre comme au figuré. Les moyens d'intervention éducative sont restreints et dépendent souvent de la prison dans laquelle on se trouve, et si "l'extérieur" et "l'intérieur" rentrent de plus en plus en relation, il reste que chacun devrait se sentir un tant soit peu responsable de ces "autres différents" car sans cela, il est inutile de vouloir changer quoi que ce soit.

C'est aussi une forme de citoyenneté: chaque détenu reste un citoyen à part entière et nécessite aide, soin et considération comme tout autre.

L'arrivée des éducateurs en prison constitue cependant, pour moi, un progrès important dans l'intérêt porté à ceux que l'on voudrait trop souvent oublier pour de multiples raisons.


Agnès Lambert, éducatrice à la prison de Namur.
 

                                   ______________________________________



Engagés dans le cadre d'un expérience pilote dans le monde carcéral, notre travail d'éducateur devait rencontrer des objectifs précis définis par la direction de la prison d'Andenne.

Pour comprendre le travail entrepris, il est utile de préciser la notion d'activité encadrée: de 19h à 20h45, du lundi au vendredi, tous les détenus bénéficient d'activités libres dans leur aile respective, sauf dans une aile qualifiée de "protégée" par rapport à sa population. Afin d'éviter des problèmes de violence, racket et autres, les détenus de cette section ne quittent leur cellule que pour participer à des activités encadrées par les éducateurs ou des personnes extérieures à la prison dans le cadre d'activités spécifiques.

L'objet de ce travail est double :


Chacun des 33 détenus de cette aile doit participer à trois activités encadrées par semaine sans que cela n'entraîne un surcroît de travail aux agents de surveillance.

Les activités proposées doivent, dans la mesure du possible, être porteuses d'éléments positifs dans une perspective de réinsertion sociale et économique.

Les activités proposées sont de type sportif et socio-culturel :

Body, streching, mini-foot, tennis de table, échecs, lettres, culture, dessin, aquarelle, musique, poterie, théâtre, forums de discussion, lecture vivante et écriture, cuisine, jeux de société, cartes.

Nous avons intégré ces activités dans des journées complètes.

Autre mission importante :


En parallèle aux structures existantes de cours d'alphabétisation et de remise à niveau, nous soutenons les détenus qui suivent des cours par correspondance, quel que soit le niveau de leurs études.

Polet Jean Luc et Evrard Pierre, éducateurs à la prison d'Andenne, janvier 2000


1 commentaire:

  1. Bonjours, je fais actuellement un TFE sur le rôle des éducateurs spécialisés en faveur d'une meilleure réinsertion des détenus car je suis, vous l'aurez deviner, éducateur spécialisé au Parnasse deux Alice.
    Je voulais savoir s'il était possible de rencontrer l'un de ces éducateurs afin d'y voir plus clair sur leur rôle et sur le vécu dans un milieu aussi dur que la prison. En vous remerciant d'avance, Andoni Lara

    RépondreSupprimer